Commentaires sur le Projet de règlement modifiant le Code de construction, chapitre 1, Bâtiment, visant l’accessibilité à l’intérieur des logements d’habitation

Montréal, le 6 avril 2018

À l’attention de :
Monsieur Michel Beaudoin, président-directeur général
Régie du bâtiment du Québec

 

Monsieur,

C’est avec beaucoup d’intérêt que nous avons pris connaissance du Projet de règlement cité en objet. Nous souhaitons d’abord féliciter la Régie du bâtiment du Québec pour cette avancée attendue depuis tant d’années.

À titre d’experts en design universel, partenaires du milieu associatif, mais également à titre de citoyens, nous sommes particulièrement sensibles aux enjeux d’accessibilité. Ces enjeux ont en effet un impact direct sur la qualité de vie de l’ensemble de la population et le développement durable des collectivités.

Nous tenons également à saluer l’approche collaborative ayant mené à ce Projet de règlement, à travers le Comité consultatif permanent sur l’accessibilité et la sécurité des bâtiments aux personnes handicapées. Les intervenants concernés par l’accessibilité des logements, de tous horizons, ont ainsi pu être mobilisés dans un but commun. C’est la première fois que le parcours sans obstacles s’insinue dans l’espace privé des habitations…

Le résultat proposé dans le Projet de règlement, bien que perfectible, reflète l’unanimité des membres du comité à faire évoluer les pratiques de construction résidentielle pour mieux répondre aux besoins d’une population diversifiée et vieillissante.

Ayant également contribué à la réalisation de l’Étude d’impact réglementaire en 2016, nous avons déjà eu l’occasion d’émettre nos commentaires et recommandations quant à certaines des exigences proposées dans le Projet de règlement. Ces commentaires et recommandations demeurent toujours actuels, mais la RBQ a déjà fourni des explications satisfaisantes.

À la lecture du libellé exact des modifications proposées au Projet de règlement, nous souhaitons toutefois commenter de nouveaux éléments qu’il nous apparaît essentiel de porter à votre attention.

 

1. Logement « minimalement accessible » vs « visitable »

Tout au long du travail que nous avons réalisé en 2016 pour l’Étude d’impact réglementaire, les termes « visitabilité » et « adaptabilité » étaient utilisés. Ces termes correspondent à des concepts existants, connus et reconnus dans le milieu de l’accessibilité résidentielle.

Le terme « minimalement accessible » utilisé aujourd’hui dans le Projet de règlement ne permet pas de bien saisir l’intention derrière les exigences. Déjà, plusieurs organismes et partenaires associatifs nous ont signifié leurs questionnements par rapport à ce niveau d’accessibilité proposé, y voyant un rejet des valeurs d’inclusion tant souhaitées par le milieu. En effet, un logement dont plusieurs pièces et équipements essentiels à la vie quotidienne ne sont pas accessibles, ne peut représenter une option de logement pour une personne ayant une limitation.

Le terme « visitable » revêt un caractère beaucoup plus positif. Le fait de pouvoir visiter ses proches facilement, malgré une incapacité, rejoint justement davantage ces valeurs d’inclusion si chères au milieu. Le label « visitable » nous semble également meilleur vendeur, facilitant la mise en marché pour les promoteurs et une meilleure compréhension du produit pour les consommateurs.

  • Nous recommandons de remplacer le terme « minimalement accessible » par « visitable ».

2. Exclusion des logements d’un établissement de soins

Exclure l’intérieur des logements d’un établissement de soins implique d’exclure les logements des résidences privées pour aînés et les logements des résidences pour aînés de type familial. Or, il s’agit de bâtiments où réside une majorité de la population qui pourrait bénéficier des nouvelles exigences d’accessibilité.

Nous ne croyons pas que des exigences supérieures à la réglementation sont déjà intégrées dans ce type de résidences compte tenu de la population hébergée. Au contraire, le marché privé résidentiel, même celui visant les personnes âgées, se conforme encore aujourd’hui aux seules obligations réglementaires.

Nous sommes d’avis que les nouvelles exigences d’adaptabilité devraient s’appliquer à l’intérieur de tous les logements des résidences privées pour aînés, sans possibilité de pouvoir recourir aux exigences de « visitabilité » proposées dans le Projet de règlement.

  • Nous recommandons d’exiger le niveau d’accessibilité « adaptabilité » dans les logements d’un établissement de soins, ou, minimalement, à l’intérieur des logements d’une résidence privée pour aînés.

3. Mécanisme d’ouverture de porte électrique aux portes des entrées sans obstacles du bâtiment

Il n’est pas prévu d’exiger un mécanisme d’ouverture de porte électrique aux portes des entrées sans obstacles du bâtiment. Or, les nouvelles exigences auront pour effet de générer des immeubles où tous les logements seront « visitables ». Il serait donc conséquent de poursuivre la performance du parcours jusqu’aux portes d’entrée de l’immeuble.

  • Nous recommandons d’exiger un mécanisme d’ouverture de porte électrique aux portes des entrées sans obstacles d’un bâtiment dont l’usage principal est du groupe C, sans égard à l’aire de bâtiment.

4. Porte d’entrée du logement

L’opacité des exigences actuelles du Code de construction concernant la porte d’entrée du logement génère de nombreux questionnements chez les concepteurs, qui se traduisent par des non-conformités dans la réalisation des projets. Force est de constater que les exigences actuelles ne sont pas claires.

Le libellé du Projet de règlement, en excluant la porte d’entrée du logement au paragraphe 3.8.4.3.2), renforce ce fait.

En effet, la surface de plancher de chaque côté de la porte d’entrée du logement doit être conforme à l’article 3.8.3.3.13). Selon cet article, la distance perpendiculaire à la porte fermée équivaut à au moins la largeur du parcours sans obstacles. Or, à l’article 3.8.1.3.1)a), une largeur minimale libre de 920 mm est exigée, mais sous réserve de l’article 3.8.3.3. Quelle est donc la largeur du parcours sans obstacles ?

Nous croyons qu’il sera désormais possible de réaliser des logements « visitables » ou « adaptables » dans lesquels il pourrait être difficile d’entrer.

  • Nous recommandons de clarifier les exigences concernant les surfaces de plancher de chaque côté de la porte d’entrée du logement, en exigeant, minimalement, les mêmes dimensions que celles prévues pour les portes à l’intérieur du logement, et en précisant que, côté corridor, la dimension minimale perpendiculaire à la porte correspond plutôt à la dimension de 1100 mm pour un corridor commun, et jusqu’à 1500 mm idéalement.

5. Complexité de rédaction de certaines exigences

Le libellé de certaines exigences est complexe et appelle à de nombreuses interprétations de la part des concepteurs. Les précisions apportées et les croquis inclus à l’annexe ne contribuent pas à clarifier le libellé. Au contraire, comme les croquis ne représentent pas l’ensemble des exigences d’une salle de bains « adaptable », il demeure difficile de visualiser, et donc, de comprendre le tout.

  • Nous recommandons de clarifier les explications contenues à l’annexe et d’inclure des croquis illustrant toutes les exigences, appliquées dans un aménagement réaliste.

6. Application lors d’une transformation

Nous comprenons que l’étude d’impact réalisée pour documenter le Projet de règlement ne s’appliquait pas à un contexte existant et qu’à cette étape-ci, il n’est pas prévu que les exigences s’appliquent dans le cas d’une transformation mineure ou majeure.

Toutefois, dans le cas d’un changement d’usage, par exemple la conversion d’une usine en logements, il nous apparaît faisable et tout à fait réaliste d’exiger l’accessibilité à l’intérieur des unités d’habitation.

  • Nous recommandons d’étendre l’application du Projet de règlement aux changements d’usages, en intégrant si nécessaire certaines balises, pour s’assurer de couvrir des projets de conversion majeure de bâtiments.

7. Appareil élévateur installé dans un escalier

Nous apprécions les précisions formulées concernant la largeur libre d’un escalier dans le cas où un appareil élévateur y serait installé. Cela vient baliser une intervention pour laquelle les concepteurs ont différentes interprétations.

Toutefois, les largeurs précisées, en plus de la largeur requise pour l’appareil déployé, génèrent une largeur totale d’escalier qu’il nous apparaît très difficile d’intégrer sans avoir un impact important et significatif au niveau des superficies d’un logement. Il s’agit d’une exigence qui, selon nous, aura comme incidence d’exclure toute forme de logement adaptable sur deux étages, le logement « visitable » étant beaucoup plus facile à réaliser dans ce contexte.

Notre expérience en matière de demande de mesure différente pour ce sujet a conduit à des largeurs totales moindres que celles prévues au Projet de règlement, ces largeurs moindres ayant été déterminées par différentes autorités municipales.

  • Nous recommandons de revoir la largeur totale d’un escalier, requise pour pouvoir y installer un appareil élévateur, de manière à favoriser l’aménagement de logements adaptables sur deux étages.

 

Nous espérons que ces commentaires et recommandations permettront de bonifier certains éléments que nous croyons perfectibles à cette étape-ci. Le but étant surtout de simplifier la compréhension, et par conséquent, l’application des nouvelles exigences pour les concepteurs.

Nous réitérons notre appui au Projet de règlement modifiant le Code de construction, chapitre 1, Bâtiment, visant l’accessibilité à l’intérieur des logements d’habitation. Nous demeurons convaincus que son adoption contribuera à générer, au fil des ans, un parc immobilier plus accueillant, fonctionnel et durable.

Recevez, monsieur, nos sincères salutations,

Isabelle Cardinal, architecte
Directrice des services de consultation

 

Société Logique

Organisation à but non lucratif, entreprise d’économie sociale et organisme de bienfaisance, Société Logique œuvre, partout au Québec, à promouvoir et à intervenir pour le développement et la création d’environnements universellement accessibles. Nous contribuons à créer et développer de nouvelles pratiques d’aménagement inclusif et responsable. La promotion du design universel et les services conseils en aménagement sont nos deux principales activités.

Notre équipe, des professionnels de l’architecture, de l’aménagement et de l’urbanisme, spécialisés en design universel, collabore avec un réseau de partenaires des milieux communautaire, gouvernemental, institutionnel et privé. Nous entretenons des liens avec des organisations œuvrant à l’international.

Concertation, formation, production de guides, études, audits, recommandations techniques constituent nos principales façons d’intervenir afin que les aménagements prennent en compte les besoins de tous les citoyens, incluant ceux des usagers les plus vulnérables.

Pour lire et télécharger la version intégrale de la lettre, rendez-vous sur notre page Publications.